La conférence Build de Microsoft s'est tenue dans un contexte
assez intéressant : celui d'un géant fragilisé qui cherche à se
renouveler. De l'incertitude, mais aussi des annonces susceptibles
d'inciter à l'optimisme, et des ressources d'innovation, pas forcément
là où on les attend d'ailleurs...
Les 3 dernières années ont été des plus mouvementées pour Microsoft, et à
la fois des plus productives. Un tout nouvel OS mobile, une tentative
de reconquête du web avec un Internet Explorer qui se veut à nouveau à
l'avant-garde, une refonte radicale de Windows, un portage de cette
refonte sur architecture ARM, et une entrée sur le marché des app
stores, sur mobile comme sur PC et tablette. Néanmoins, tous ces efforts
n'ont pas été couronnés de succès jusqu'ici.
Windows 8.1 en première ligne
Ce qui nous amène à cette conférence Build, particulièrement
intéressante pour faire un état des lieux d'une entreprise qui étonne
toujours par l'étendue de ses domaines d'activité. En 2 jours, on a
parlé de Windows, de tablettes, de smartphones, de recherche, de
services cloud, de développement, de web, d'infrastructures, du salon...
Alors que la plupart de ses concurrents ont au moins un domaine de
prédilection, Microsoft, sur le spectre high tech, est partout.
Le grand absent de la conférence aura été Windows Phone. On l'a évoqué,
souvent en filigrane, mais aucune annonce sur son avenir. Et des
annonces, on en attend, alors que Windows Phone 8 ne semble pas avoir
fait de miracles pour tirer la part de marché de Microsoft vers le haut.
Mais là dessus, le mot d'ordre sera donc « wait and see », ou en
langage officiel,
« nous n'avons rien à partager sur ce sujet pour le moment ».
Du côté de Windows, l'avenir est, selon Steve Ballmer lui-même,
« radieux »,
c'était la conclusion de son keynote d'ouverture. On peut s'interroger
sur l'exagération de son optimisme, mais les premiers retours sur Windows 8.1
semblent plutôt positifs : le sentiment général observé est celui d'une
version affinée de Windows 8, qui pourrait bien permettre à Microsoft
d'emmener les utilisateurs encore effrayés par les changements assez
radicaux de ce dernier. Windows 8.1 arrondit les angles, tout en ouvrant
de nouvelles possibilités pour l'environnement Modern UI.
Microsoft à la (re)conquête des dévelopeurs
Mais pour cela, il faut des applications Modern UI, et donc un Windows
Store attractif pour les éditeurs. On ne peut pas dire que ce soit le
cas à l'heure actuelle : certes, le kiosque de Microsoft va bientôt
dépasser le stade des 100 000 applications disponibles, et son marché
est potentiellement énorme. Mais son achalandage est, de l'aveu même de
Microsoft, perfectible. La refonte assez radicale opérée sous Windows
8.1 pourrait changer les choses : mises en avant éditorialisées, mise à
profit de Bing pour les recommandations, recherche intégrée à
l'interface... Potentiellement, une bien meilleure vitrine pour les
applications.
En 8 mois, Microsoft affirme également avoir rendu le store plus
flexible pour les développeurs, et continue à déployer des changements :
des conditions assouplies pour les achats in-app, des outils d'analyse
plus précis pour le suivi des notes, des retours plus détaillés en cas
de rejet.
On notera enfin la prise en charge de nouveaux moyens de paiement qui
pourraient attirer une clientèle plus étendue : compte rechargeable avec
bascule automatique sur la carte bancaire en cas de crédit insuffisant,
« argent de poche » pour les enfants, ou encore compatibilité avec le
système de paiement Alipay en Chine.
Une note d'espoir ? Quelques « grands noms » ont annoncé leur arrivée sur le Windows Store : c'est le cas de Facebook, Flipboard, Foursquare ou encore, pour le marché américain, la NFL.
Web, cloud, recherche : les atouts de Microsoft ?
Les atouts de Microsoft pourraient bien se trouver là où on n'attendait
pas forcément la firme de Redmond. Si Windows 8 a monopolisé le keynote
d'ouverture, le second, beaucoup plus orienté développement, a été
dominé par Windows Azure,
l'offre d'infrastructure cloud de Microsoft. Et la division Azure,
emmenée par Scott Guthrie, marque des points, notamment grâce aux
Windows Azure Mobile Services, qui proposent une infrastructure cloud
pour les applications mobiles, avec une approche très ouverte puisqu'on a
vu Microsoft ouvrir les services aux développeurs iOS et Android, une
opération séduction qui semble porter ses fruits.
La division Azure a également montré ses capacités d'innovation avec la
démonstration de sa technologie d'autoscale, où comment gérer à la volée
les besoins en machines virtuelles d'une application hébergée sur
l'infrastructure.
Bing fait également partie des atouts « cachés » de Microsoft, avec là
encore une annonce assez intéressante : l'ouverture de la plateforme
Bing aux développeurs d'applications. Concrètement, ça signifie
l'intégration simple de fonctionnalités de recherche, mais aussi de
cartographie, de reconnaissance vocale, ou encore de traduction, des
fonctionnalités qui peuvent vous booster une application, même si
l'exemple utilisé était prévisible : un assistant de voyage.
Terminons avec le produit le plus caractéristique de l'évolution récente
de Microsoft, finalement : Internet Explorer. Le navigateur de
Microsoft démontre à la fois la capacité d'innovation et de remise en
question de l'entreprise... Et sa difficulté à se débarrasser d'une
image ternie. Pourtant, le travail effectué par la division Internet
Explorer depuis 2010 force le respect, quand on se rappelle d'où vient
IE.
Internet Explorer 11
n'est peut être pas pionnier sur l'adoption de technologies comme
WebGL, mais d'autres choix tels qu la prise en charge du standard MPEG
Dash pour le streaming de vidéos, ou les efforts pour maintenir un
navigateur optimisé pour le tactile témoignent d'une vraie volonté de
rester dans la course. Les développeurs d'applications pour Windows 8.1
pourront d'ailleurs intégrer les technologies d'IE 11 dans leurs
applications, un geste vers les développeurs d'applications ou de
services web qui souhaiteraient une présence sur le Windows Store.
Tel est donc le visage de Microsoft en 2013 à la lumière de cette
conférence Build. Les incertitudes persistent : l'adoption de Windows 8
va-t-elle s'accélérer ? Le concept de l'OS unique pour tablettes
tactiles et PC « traditionnels » est-il vraiment pertinent à long terme ?
On peut toujours en douter, malgré l'optimisme affiché par Steve
Ballmer. Mais à plusieurs niveaux de l'entreprise, on trouve des preuves
que Microsoft a le potentiel de se réinventer et d'innover. Et il va
falloir l'exploiter, car le tournant amorcé par Microsoft ces dernières
années commence à avoir besoin de résultats concrets qu'on ne voit pas
encore venir aussi vite qu'on aurait pu le penser.