VideoLAN n'obtiendra pas gain de cause auprès de la Hadopi pour
la délicate question de la lecture des disques Blu-ray commerciaux dotés
de mesures techniques de protection (MTP ou DRM). L'Autorité invite
l'association, éditrice du fameux VLC, à engager la discussion avec les
titulaires des droits concernés, puis à engager une nouvelle procédure
en cas de différend avéré.
Tout
en reconnaissant la légitimité d'une requête fondée sur le principe
d'interopérabilité, la Hadopi n'a offert que de nouvelles solutions de
recours à l'association VideoLAN, qui l'avait sollicitée début 2012 pour
obtenir un mode opératoire lui permettant de faire prendre en charge
les disques Blu-ray commerciaux dotés de mesures techniques de
protection (MTP ou DRM) par son lecteur multimédia vedette, VLC.
VLC ne sait en effet aujourd'hui lire qu'une partie des Blu-ray du
commerce, faute d'accès aux clés déverrouillant les technologies AACS et
BD+ utilisés par les studios pour protéger ces disques contre la copie.
Dans la mesure où les réflexions relatives à la gestion des DRM rentre
dans le champ d'attribution de la Hadopi, VideoLAN a décidé début 2012
de solliciter l'Autorité en lui posant, en substance, la question
suivante : comment faire pour que VLC permette la lecture de
l'intégralité des disques Blu-ray ?
La Hadopi a finalement livré son avis (.pdf)
lundi après-midi. Elle y reprend dans un premier temps les principaux
textes relatifs à la question, parmi lesquels l'article 331-8 du code de
la propriété intellectuelle, qui dispose que les DRM « ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur ».
Les détenteurs de droit ne manquent toutefois pas d'arguments leur
permettant de se soustraire à ce principe d'interopérabilité.
A VideoLAN, qui souhaite donc savoir comment accéder à ces clés de
chiffrement, la Hadopi répond que trois démarches sont possibles. La
première consiste à contacter les détenteurs de droit, et à négocier
avec eux l'acquisition d'une licence (ce que font les éditeurs de
logiciels commerciaux). La deuxième, qui ne vaut qu'après essai de la
première, consiste à saisir la Hadopi du différend ainsi constaté, non
pas pour un simple avis mais pour que celle-ci rende une décision,
éventuellement assortie d'une injonction de livrer les clés concernées
(en vertu de l'article 331-32 du code de la propriété intellectuelle).
L'association ne souhaitant pas particulièrement négocier les licences
en question, notamment parce que VLC est un logiciel open source, est
quant à elle intéressée par la troisième voie : celle qui consiste à
arguer d'une exception au droit d'auteur pour contourner, légalement,
une mesure technique de protection, que ce soit par le biais de
l'ingénierie inverse (observer le logiciel pour en comprendre le
fonctionnement) ou de la décompilation (reproduction de certains pans de
code en vue d'assurer l'interopérabilité).
Ici, l'avis de la Hadopi souligne que les mesures techniques de
protection constituent des « secrets » dont la nature n'est pas purement
logicielle. Il rappelle également que si les DRM ne doivent pas
empêcher le « libre usage d'une oeuvre », l'éditeur est en droit
d'en implémenter dès lors que ces derniers ne cantonnent pas l'usage de
l'oeuvre à un lecteur en particulier.
Si l'on prend le cas d'AACS, une documentation technique favorisant
l'implémentation au sein d'un logiciel tiers pourrait être envisagée au
nom de l'interopérabilité. En revanche, les clés qui permettent de
déchiffrer les contenus resteraient réservées aux éditeurs ayant
souscrit la licence idoine auprès des titulaires de droit. Sans entrer
plus avant dans les détails, on remarque ici que Hadopi résume dans son
avis la controverse relative aux DRM qui avait fait rage à l'époque des
débats sur la loi DADVSI et s'en tient à une lecture stricte du code de
la propriété intellectuelle, sans se risquer à trancher ce noeud
gordien.
Tout juste avance-t-elle que « la gravité de l'atteinte à la sécurité
et à l'efficacité de la protection offerte par la mesure technique doit
s'apprécier au vu du degré de protection global de l'oeuvre concernée,
c'est à dire pour l'ensemble des supports et formats dans lesquels elle
est distribuée. Sa disponibilité dans des formats et sur des supports
moins protégés serait de nature à minimiser cette atteinte ». Un film déjà diffusé à la TV serait donc plus aisément « contournable » qu'une nouveauté.
Du côté de VLC, on se dit toutefois « atterré » par cet avis. « Ils
ne répondent pas du tout à la question, qui concernait le cadre général
de la loi sur les DRM et pas seulement les clés de chiffrement des
Blu-Ray. Si c'était pour nous dire de faire un règlement de différend,
cela ne servait à rien de nous faire perdre notre temps pendant plus
d'an. Nous avons travaillé avec l'Hadopi pour qu'elle montre qu'elle
savait faire autre chose que de la répression, mais tout ce qu'ils vont
faire, c'est aider le piratage », commente Jean-Baptiste Kempf, président de VideoLAN, interrogé par l'Expansion.
« La Hadopi nous dit simplement qu'on n'a pas le droit de reverse
engineer et récupérer les clefs. Mais peu importe ! Il y a bien d'autres
questions en suspens. Ai-je le droit de diffuser libAACS (une
bibliothèque non officielle qui permet de lire des disques Blu-ray
protégés par AACS une fois associée aux clés qui circulent sur le Web,
ndlr) sans les clefs, en compilation statique ? Et en compilation
dynamique ? Les titulaires de MTP ont-ils le droit de refuser de donner
la documentation, hors secrets, dans le cadre de l'interropérabilité ? », vitupère-t-il encore dans les colonnes de PC Inpact.
L'association indique ne pas vouloir, pour l'instant, défendre son dilemme auprès des représentants du consortium Blu-ray. source
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