Alors que le déploiement massif de la fibre optique tient encore
aujourd'hui plus de la chimère que de la réalité tangible, d'autres
solutions techniques sont envisagées pour démocratiser le très haut
débit. Parmi ces dernières, le VDSL2 constitue certainement la piste la
plus sérieuse. Il s'agit en tout cas de la plus concrète, puisque cette
technologie sera officiellement disponible pour tous (ou presque...)
avant la fin de l'année.
A
l'heure où de nombreux usagers de l'ADSL, pris en otage entre leur
fournisseur d'accès et Google, ne peuvent plus regarder sereinement une
vidéo Youtube, l'envie de très haut débit se fait de plus en plus
pressante. Il faut dire qu'avec l'arrivée de la 4G, les débits de l'ADSL
classique n'ont plus vraiment de quoi impressionner l'internaute moyen.
Et si la fibre optique a longtemps constitué le Saint-Graal pour de
nombreux usagers du net, ils sont aujourd'hui nombreux à avoir revu
leurs ambitions à la baisse. En effet, après avoir promis monts et
merveilles, les providers ne se pressent pas vraiment pour creuser des
tranchées et fibrer l'ensemble de la population française.
En rouge, les communes ayant déployé des réseaux FTTH au 31 mars 2013 (document Arcep).
C'est dans ce contexte que débarque enfin en France la norme VDSL2,
susceptible de fournir du très haut débit sur de classiques lignes
téléphoniques en cuivre. En avril dernier, l'Arcep (Autorité de
Régulation des Communications Electroniques et des Postes) a autorisé
les opérateurs à procéder à des tests grandeur nature "finaux" dans deux
départements pilotes, afin de pouvoir proposer au public une offre
fiable et généralisée à l'automne prochain. Cet été 2013 risque donc
d'être particulièrement chaud dans les NRA (Noeuds de Raccordement
d'Abonnés) et, à la rentrée, le paysage Internet français ne sera plus
tout à fait le même. C'est pourquoi nous vous proposons cet article
consacré au prometteur VDSL2 qui, nous allons le voir, n'est toutefois
pas miraculeux.
Le protocole de transmission de données VDSL (Very high speed Digital
Subscriber Line) est basé sur les mêmes principes généraux que le bien
connu ADSL. Comme lui, il se contente de la paire de cuivre d'une ligne
téléphonique classique pour transporter les informations, sans
interférer avec la voix. La deuxième version de ce protocole,
judicieusement appelée VDSL2, a été finalisée en 2005. Conçue dès le
départ pour supporter les usages Internet les plus intensifs (notamment
la vidéo HD), grâce à l'utilisation d'un spectre de fréquences plus
large, cette norme permet d'atteindre théoriquement jusqu'à 250 Mbit/s à
la source.
Sur des courtes distances, le VDSL2 (ici en profil 17a) offre des performances drastiquement supérieures à l'ADSL.
Naturellement, plus on s'éloigne de cette dernière, moins le débit est
élevé. Au bout de 500 mètres, il faut se contenter de 100 Mbits
théoriques, et on tombe à 50 Mbit/s au premier kilomètre. Des valeurs
encore bien supérieures à ce qu'on atteint avec de l'ADSL classique, ou
même de l'ADSL2+ (qui culmine à 25 Mbits/s à la source). En revanche,
au-delà du kilomètre et demi le VDSL2 ne présente plus aucun intérêt et
finit même par faire moins bien que les protocoles concurrents. De plus,
il convient de relativiser ces performances théoriques, car il existe
huit profils VDSL2 différents, qui n'offrent pas tous les mêmes débits.
Profil |
Fréquence (MHz) |
Nombre de porteuses |
Fréquence des porteuses |
Puissance (dBm) |
Débit descendant max (Mbit/s) |
8a |
8.832 |
2048 |
4.3125 |
+17.5 |
50 |
8b |
8.832 |
2048 |
4.3125 |
+20.5 |
50 |
8c |
8.5 |
1972 |
4.3125 |
+11.5 |
50 |
8d |
8.832 |
2048 |
4.3125 |
+14.5 |
50 |
12a |
12 |
2783 |
4.3125 |
+14.5 |
68 |
12b |
12 |
2783 |
4.3125 |
+14.5 |
68 |
17a |
17.664 |
4096 |
4.3125 |
+14.5 |
100 |
30a |
30 |
3479 |
8.625 |
+14.5 |
200 |
Parmi ces huit profils, seuls les sept premiers ont été autorisés par
l'Arcep. Les internautes français doivent donc d'ores et déjà faire une
croix sur le 200 Mbit/s, et peuvent espérer bénéficier au maximum de 100
Mbit/s. Ce nombre n'est pas sans rappeler celui qu'on associe souvent à
la fibre optique qui, dès lors, se trouve en concurrence directe avec
le VDSL2. Du moins sur le premier kilomètre. Pour tous les usagers peu
éloignés du DSLAM, le VDSL2 s'impose en effet comme une alternative
idéale à la fibre, puisque la plupart des box modernes sont déjà
compatibles avec la norme.
Chez la plupart des opérateurs, les box les plus récentes sont compatibles VDSL2.
Du coup, le passage au VDSL2 se fait de manière transparente et
automatique, et l'on peut du jour au lendemain bénéficier d'une
connexion quatre fois plus rapide. Du côté des opérateurs, le choix du
VDSL2 est également intéressant puisque, contrairement à ce qu'il se
passe avec la fibre, il n'y a pas à engager de gros et coûteux travaux
de génie civil. Il suffit d'équiper les NRA avec du matériel compatible
VDSL2. Seulement voilà, cette bonne opération est loin de pouvoir
concerner tout le monde.
Du fait de l'absence du profil 30a et des performances pratiques
nécessairement moins élevées que les chiffres théoriques, le VDSL2 n'est
en réalité plus intéressant que l'ADSL qu'avec des lignes de cuivre de
moins d'un kilomètre. Problème : selon l'Arcep, seuls 16,3 % de la
population se retrouvent dès lors concernés. Le VDSL2 est donc une
technologie qui s'adresse essentiellement à des internautes déjà
privilégiés, tandis que la fibre est susceptible (au moins techniquement
si ce n'est économiquement) de changer la vie d'un nombre de personnes
bien plus important. Pour augmenter la portée du VDSL2, il reste tout de
même la solution des NRA-Med (Montée en Débit), anciennement appelés
NRA-ZO (Zone d'Ombre).
Le principe de ces NRA secondaires consiste à installer des DSLAM près
des sous-répartiteurs (SR) France Telecom, initialement dévolus à la
téléphonie analogique. Ainsi, la source Internet se rapproche des
usagers. Le VDSL2 peut alors concerner plus de monde. Mais l'opérateur
historique est le seul à pouvoir intervenir sur cette partie du réseau
et des travaux de génie civil peuvent être nécessaires. D'autant plus
que le passage par des sous-répartiteurs équipés avant 2005 ne
fonctionne tout simplement pas. Dans ces conditions, le VDSL2 perd une
partie de ses avantages face à la fibre.
Alors que certains pays européens sont déjà passés au VDSL2 depuis
longtemps (2006 en Allemagne, 2007 en Suisse, 2008 en Belgique, 2009 au
Royaume-Uni...), la France est sensiblement à la traîne. L'opérateur
Erenis avait bien tenté de déployer cette norme en 2007, mais son rachat
par Neuf Cegetel est venu stopper net cet élan. À vrai dire, ce n'est
que depuis octobre 2012 que des expérimentations grandeur nature ont été
réalisées par différents fournisseurs d'accès. Elles ont duré trois
mois et ont permis de vérifier que le déploiement du VDSL2 n'avait aucun
impact négatif sur les lignes ADSL voisines.
Les tests l'ont prouvé : l'installation de lignes VDSL2 ne perturbe pas les lignes ADSL.
Suite à cela, l'Arcep a autorisé en avril dernier la phase dite de
pré-généralisation, qui a débuté en juin et devrait s'achever avant
l'automne. Les deux départements pilotes retenus pour cette phase sont
la Gironde et la Dordogne. Certains bordelais, notamment, profitent donc
d'ores et déjà du VDSL2. Mais pour les autres, il va falloir attendre
la fin de ce lancement progressif. Si l'on en croit leurs propres
déclarations, on peut raisonnablement espérer que le déploiement sera
effectif et total chez la plupart des opérateurs fin octobre.
Heureusement, cette période de test reste riche en enseignements pour
tout le monde, puisqu'elle permet de s'affranchir des chiffres
théoriques et d'observer les débits réels offerts par la technologie.
Ainsi, OVH met en avant l'exemple de cet utilisateur situé à 260 mètres
du NRA, qui obtient un débit descendant de 100 014 kbit/s/ et un débit
montant de 30 312 kbit/s. Le site Univers Freebox
remonte quant à lui les témoignages d'abonnés Free qui atteignent les
90 voire les 100 Mbit/s. Des cas d'école, qui ont pour point commun une
distance entre le domicile et le NRA inférieure à 300 mètres. Pour ces
chanceux, le VDSL2 offre des performances proches de celles de la fibre
(plus en débit descendant qu'en débit montant, qui varie généralement
entre 10 et 30 Mbit/s). Pour les autres, il faudra juger au cas par cas,
mais on sait déjà qu'il ne faut s'attendre à aucun miracle au-delà d'un
kilomètre.
Le mieux est encore de tester son éligibilité au VDSL2, une opération
très simple mais que la plupart des fournisseurs d'accès ne proposent
bizarrement pas. Heureusement, OVH et l'opérateur professionnel Nerim
font exception à la règle, et vous permettent donc d'obtenir une
estimation des débits VDSL2 que votre ligne pourra atteindre... ou pas,
puisque statistiquement il y a plus de quatre chances sur cinq pour que
votre domicile soit trop éloigné du NRA !
Nerim le confirme : avec une ligne qui frôle les 4 kilomètres, il n'y a aucune chance d'avoir du VDSL2.
Du côté des fournisseurs d'accès vous aurez en tout cas le choix,
puisque tous les grands noms ont fini par déclarer leur amour du VDSL2
en juin, après avoir laissé Free et OVH prendre de l'avance. Tous
promettent des débits allant jusqu'à 100 Mbit/s en descente et 50 Mbit/s
en montée et, quand ils acceptent d'en parler, des tarifs identiques à
ceux de leurs offres ADSL habituelles. Mais tous les modèles de box ne
sont pas compatibles pour autant. Comme certains opérateurs ne semblent
pas avoir anticipé le virage VDSL2, il faudra parfois migrer vers la
dernière box en date, ce qui ne se fera pas forcément sans frais. On
pense notamment à Orange et SFR, dont les modems compatibles ne sont
sortis que cette année (Livebox Play pour l'un, Box Evolution estampillée NB6V pour l'autre).
Opérateur |
Bouygues |
Free |
Orange |
OVH |
SFR |
Box nécessaire |
Bbox Sensation |
Freebox Revolution |
Livebox Play |
Modem Pro |
Box Evolution NB6V |
Clairement intéressant pour une fraction de la population française, et
totalement inutile pour les autres, le VDSL2 reste quoi qu'il en soit un
pas de plus vers la démocratisation du Très Haut Débit. À ce titre, il
pourrait bien devenir à la fois le meilleur allié et le pire ennemi de
la fibre.
Puisqu'il concerne surtout une frange de la population réduite et déjà
privilégiée, le VDSL2 ne résout pas le problème des zones rurales et peu
denses. En dehors de son rayon d'action, limité en gros à un kilomètre
de cuivre, il laisse donc a priori le champ libre à la fibre optique. On
peut même imaginer qu'il participera à populariser le Très Haut Débit.
Les bénéficiaires du VDSL2 s'habitueront aux débits élevés et, par effet
de contagion, les autres usagers d'Internet finiront par en ressentir
plus que jamais le besoin. La demande en fibre se fera alors encore plus
pressante qu'elle ne l'est actuellement, ce qui poussera les opérateurs
à investir dans cette direction. Mais ce scénario positif a également
son pendant pessimiste.
Le VDSL2 peut tout aussi bien entraîner la fibre optique dans son sillage que la phagocyter.
Après tout, il est tout aussi légitime de penser que les efforts et
l'argent dépensés sur le VDSL2 sont autant de ressources en moins pour
la fibre. Les abonnés du premier kilomètre devenant particulièrement
rentables (puisqu'on peut leur fournir du très haut débit sans engager
de frais trop importants), la perspective de creuser des tranchées pour
atteindre les usagers les plus éloignés pourrait devenir encore moins
attirante pour certains opérateurs. D'un point de vue plus général, on
peut également considérer que le fait de tirer toujours plus de débit
des lignes téléphoniques en cuivre freine automatiquement l'engouement
pour la fibre, dans la veine du fameux "syndrome du Minitel".
Si le Minitel a freiné l'Internet en France, le VDSL2 freinera-t-il la fibre ?
Les seuls à pouvoir trancher entre ces deux scénarios sont finalement
les opérateurs. Non seulement dans leurs discussions avec l'Arcep, mais
également dans leur communication. En mettant trop en avant des débits
de 100 Mbit/s, ils pourraient en effet entretenir une certaine confusion
auprès du grand public. D'ailleurs, Free nous en a donné un bon exemple
récemment. En juin, la page d'inscription au service portait fièrement
la mention "90 Mbit/s en réception"... quelle que fût la longueur de la
ligne du futur abonné ! Depuis, cette maladresse a été corrigée et les
lignes trop longues ne voient plus apparaître cette mention.
L'internaute doit donc rester vigilant, et ne surtout pas prendre les
vessies VDSL2 pour les lanternes de la fibre.
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